Quand je me suis penchée pour voir à travers le hublot de l’avion, j’ai vu une mer verte. La forêt s’étendait aussi loin que je pouvais voir. Ici et là on pouvait apercevoir l’éclat d’un lac ensoleillé. J’avais des frissons: c’est le pays dont j’avais rêvé pendant des années et où j’espérais pouvoir mettre un jour les pieds. L’avion touchait presque les cimes des arbres et très vite nous avons atterri. La voix du pilote annonça: «Tervetuloa Helsinkiin» (bienvenue à Helsinki). Je n’arrivais pas à croire que quelques heures avant seulement, je mangeais un croissant avec ma famille à l’aéroport. En mettant les pieds pour la première fois en Finlande, je n’imaginais pas encore qu’à partir de ce moment-là, j’allais avoir deux maisons pour toute ma vie.
Quelques heures plus tard, j’étais assise avec ma sœur d’accueil hongroise dans le train qui devait nous amener à Pietarsaari, l’endroit où nous allions passer les dix prochains mois. Ensemble, nous avons ri à cause des annonces du train – je trouvais incroyable d’entendre enfin du finlandais. A minuit, nous sommes arrivées à la petite gare où notre famille d’accueil nous attendait. L’accueil a été très chaleureux. Après avoir chargé les valises dans le coffre, nous sommes partis.
La première semaine m’a parue très longue tellement elle était remplie de nouveautés. A mon grand regret, nos parents d’accueil nous parlaient en allemand alors que j’essayais tout le temps de communiquer en finnois. C’est vrai qu’en Finlande, beaucoup de gens ont appris l’allemand à l’école. Le premier week-end, nous avons célébré «Venetialaiset» au bord d’un lac, une fête qui marque la fin de l’été et le départ des gens de leurs cabanes d’été pour retourner en ville. Nous sommes allés pour la première fois dans un sauna finlandais, avant de sauter dans l’eau froide pour se rafraîchir. Un sentiment incroyable. Les Finnois utilisent les saunas d’une manière particulière, de sorte qu’ils font beaucoup plus d’infusions que nous les Suisses. Il règne alors une humidité de l’air beaucoup plus élevée. Dans le sauna de ma famille d’accueil, on chauffait avec du bois, ce qui donnait une odeur extrêmement agréable. Nous profitions du café et du «Pulla» (un gâteau sucré finlandais, souvent avec de la cardamome), pendant que des saucisses étaient en train de griller et que nous faisions cuire des crêpes.
Le premier jour d’école était bien-sûr très excitant. Nous étions trois étudiantes d’échange et nous pouvions faire nous-même notre emploi du temps. Nous avons commencé l’année avec un cours de géographie. Tout le lycée était extrêmement fier de nous parce que nous avons essayé de parler finnois dès le premier jour. On a vite remarqué que le système scolaire était très différent d’en Suisse. L’année scolaire est divisée en six parties qui durent chacune six semaines. Il y a un examen à la fin de chaque partie et on ne peut pas avoir plus de six matières par partie. Le matin, l’école commence à 8h30 et finit au plus tard à 16h15. Tout le monde reste à l’école pour la pause de midi car tout est prévu pour déjeuner et personne n’achète son repas à la cantine puisque tout est gratuit. La nourriture de la cantine est vraiment variée et saine, cependant les Finnois mangent très souvent des pommes de terre. J’ai été très étonnée de voir les machines à lait, où l’on peut se servir directement du lait. En Finlande, beaucoup de gens boivent du lait froid à chaque repas.
On peut s’adresser aux professeurs en les tutoyant et en les appelant par leur prénom. Ils étaient tous très gentils et patients avec nous; on se comportait plus comme des amis que comme des professeurs et élèves.
De temps en temps, la personne de contact de ma sœur d’échange nous emmenait à des courses d’orientation. Cela se passait toujours au milieu des forêts finlandaises et ce n’était pas tout à fait sans danger car nous devions toujours faire attention à ne pas tomber dans l’un des nombreux marais. Il y avait énormément de baies dans la forêt et, pendant la course d’orientation, nous passions le plus clair de notre temps à avaler des myrtilles et des framboises. Après la cueillette des baies, nous nous mettions un étrange filet sur la tête pour que les moustiques ne puissent pas nous piquer.
Une des expériences que j’ai préférée était un cours en automne pour lequel nous avons passé un week-end dans une zone militaire. C’était dans la forêt (surprise!) et nous avons installé des tentes en cercle. Pendant la nuit, il devait toujours y avoir quelqu’un de garde pendant 1h pour que le feu ne s’éteigne pas. Durant ce week-end, nous avons appris les premiers soins, comment arrêter un feu et comment rechercher une personne disparue de nuit dans la forêt. J’ai beaucoup aimé passer ce week-end avec les autres, c’était un bon moyen de rentrer en contact avec eux et aussi d’être ensemble en dehors de l’école pour une fois. Les Finlandais peuvent être très sociables même s’ils sont ou semblent être introvertis.
Avec les étudiants en échange, nous faisions beaucoup de choses ensemble: nous nous sommes vus plusieurs fois pendant l’année dans des camps, nous sommes allés ensemble en excursion dans des villes plus grandes, on est allés les uns chez les autres et on a organisé des soirées films, on est allés voir des concerts, on a fait de la musique, etc. On s’est souvent promenés au Kirpputorit (un marché aux puces) où il y a tant de choses à voir. Beaucoup de Finnois y achètent leurs habits, qui sont beaucoup moins chers que des vêtements neufs mais qui font tout aussi bien l’affaire.
La première neige est tombée en octobre mais cela n’a pas duré longtemps. La «vraie» neige est arrivée début décembre et a tenu jusqu’à fin avril! Fin novembre a été une période difficile comme ma soeur d’accueil et moi changions de famille. Je préfère garder les raisons de ce changement pour moi.
Pendant un long moment je n’étais pas sûre de pouvoir rester à Pietarsaari, mais ensuite cinq familles se sont inscrites pour m’accueillir. A partir de début décembre, j’ai vécu à Pännäinen, un village à seulement 10 kilomètres de Pietarsaari. L’hiver est devenu incroyablement froid et le matin, lorsque j’allais en vélo jusqu’à l’arrêt de bus, mes mains gelaient et l’air que j’expirais se transformait en glace dans mes cheveux et mes cils. Ma famille d’accueil m’a prêté un manteau plus chaud parce ma mère d’accueil trouvait que le mien n’était pas adapté à l’hiver finlandais. Et, naturellement, elle avait raison. Donc j’allais chaque matin à l’école comme un Bonhomme Michelin et une fois là-bas, je devais enlever beaucoup de couches de vêtements. Dans ma chambre le soir il faisait parfois 10 degrés.
Malgré tout ça, ça a été le plus bel hiver de ma vie, et voir le soleil se lever à 10h30 et se coucher à 14h30 était une expérience très impressionnante. Il ne faisait pas complètement nuit parce que la neige reflète beaucoup la lumière et le ciel avait des nuances de couleursmerveilleuses. Je trouve que l’hiver en Finlande est beaucoup moins déprimant que chez moi en Suisse, où il fait souvent humide et où tout est sombre.
J’ai aussi appris à tricoter de belles chaussettes en laine qui sont très chaudes. Je me suis acheté ma première paire de patins à glace, car, dans la cour à côté du lycée, on avait installé une grande surface de glace ou l’on pouvait patiner n’importe quand. Ce qui était surtout impressionnant, c’est que la mer avait aussi gelé et que je voyais souvent des voitures rouler sur la glace.
Tout allait bien avec ma nouvelle famille d’accueil même s’il y avait de temps en temps quelques bas. Une fois, par semaine j’allais avec ma soeur d’accueil au Strandcamping, où l’on va d’abord au sauna suivi d’un plongeon dans l’eau gelée. C’est devenu pour ainsi dire un hobby pour moi. On faisait aussi ça avec les étudiants d’échange de ma région au Midstaycamp. Nous pouvions aussi y faire de la motoneige. Les conducteurs nous emmenaient dans la forêt et cherchaient une grande surface libre. Ils tournaient alors en cercle à une vitesse stupéfiante. Le mieux, c’était quand ils nous emmenaient avec eux sur un grand lac gelé.
En février eu lieu le Vanhojentanssit, un bal pour lequel les couples qui s’étaient enregistrés ont répété pendant des mois. Nous, les étudiants en échange, nous participions également. Nous avions déjà acheté les vêtements pour le bal pendant les vacances de Noël. Ce fut un jour exceptionnel; on est allées chez le coiffeur très tôt le matin, ensuite on s’est habillées, on s’est maquillées puis on a fait des photos. Après les parents de mon partenaire de danse sont venus me chercher en voiture parce que je ne pouvais pas aller à l’école à pied dans la neige dans cette tenue. A midi, nous avons fait la répétition finale dans le gymnase, devant les élèves du second cycle qui nous regardaient. Ensuite, nous sommes tous allés manger dans un hôtel de la ville.
Les parents, les frères et sœurs d’accueil et tous ceux qui voulaient voir sont arrivés le soir. Nous avons fait plusieurs danses anciennes et entretemps, il y avait des discours de différents participants. Nous avons nous aussi fait un discours. Nous étions très stressées parce que c’était un discours devant tout le monde et en finnois mais ça s’est finalement assez bien passé. Il y avait ensuite une fête pour tous les participants.
Fin février, je suis partie aux sports d’hiver en Laponie avec la famille incroyablement généreuse de mon partenaire de danse. J’étais près du cercle polaire à Rovaniemi, j’ai appris à faire du ski de fond à Levi, une station de ski, et j’ai visité des villages en glace et neige, qui doivent être rebâtis chaque année. C’est un art vraiment incroyable, il y a des sculptures faites seulement en glace! On peut aussi passer la nuit dans un hôtel de glace.
Nous avons dû patienter longtemps avant le printemps parce que la neige est restée jusqu’à fin avril, même si les jours devenaient de plus en plus longs. A Pâques, j’ai pu admirer un grand feu pendant que les enfants se sont déguisés en sorciers et sorcières. Ils allaient de maison en maison pour récolter des sucreries. Bientôt, les nuits sont devenues si
claires que je devais mettre des rideaux devant les fenêtres pour pouvoir m’endormir.
Fin avril j’ai passé un examen de finlandais de 5h. Ça en valait la peine car j’ai maintenant un certificat prouvant que je sais parler le finlandais!
A partir de mai, il a commencé à faire plus chaud et j’ai pu aller à l’école, de Pännäinen à Pietarsaari, en vélo, et refaire les 10km en sens inverse le soir. Il faisait assez chaud pour que nous puissions nous allonger à la plage et j’ai même attrapé un coup de soleil. L’eau de la mer était encore très froide mais on pouvait déjà se baigner dans plusieurs lacs. Par contre ceux qui voulaient, comme moi, faire du canoë, devaient se méfier des moustiques…
La fête de fin d’année ainsi que la fête de maturité ont eu lieu début juin. J’ai chanté avec ma chorale et les élèves de maturité ont reçu leur diplôme avec leurs bonnets de diplômés. Le directeur de l’école a fait un discours pendant lequel nous avons reçu, nous, les trois élèves d’échange, un certificat et un cadeau d’adieu: un sac à dos rempli de merveilles finlandaises! Il a promis que nous serions toujours les bienvenus. Et quand un Finnois promet quelque chose, il tient sa parole. Et c’est ainsi que se termina mon année scolaire en Finlande.
Mais nous avions encore un mois de vacances avant de rentrer chez nous. J’ai aimé ce mois de tout mon cœur. J’ai vu le plus d’amis possible, je suis allée dans les petits lacs alentours avec ma mère d’échange pour profiter de la baignade et du soleil. Le 22 juin, nous avons fêté le milieu de l’été et c’était aussi une sorte de fête d’adieux pour moi car je devais rentrer chez moi le 25. Nous avons fait des grillades dehors jusqu’à tard dans la nuit claire et à minuit j’ai commencé à cueillir neuf fleurs différentes. En Scandinavie, c’est la tradition de la fête de la Saint-Jean. Les jeunes filles déposent ces neuf fleurs sous leur oreiller et sont censées rêver à leur futur homme pendant la nuit. Je suis sûre que le mien sera finlandais.