Avant de voir les courriels officiels d’AFS Argentine et Suisse, j’ai appris par le biais d’autres élèves en échange qu’ils devaient rentrer chez eux. Pas moi, me suis-je dit, nous avons beaucoup moins de cas ici. Mais le choc est arrivé: je devais moi aussi rentrer! Toutes les différentes expériences de mon séjour se sont déroulées dans ma tête. Je ne voulais pas rentrer, je voulais encore vivre tant de choses! J’ai pleuré, j’ai parlé à mes parents, personne ne pouvait le croire. Mais j’ai dû faire ma valise le jour même. Les jours suivants furent pleins d’espoir, de résignation, d’impatience- car désormais j’étais prête au retour. Je regrettais ne pas pouvoir dire au revoir à mes amis à cause de la quarantaine. Les adieux à ma famille d’accueil ont été très tristes et rapides.

Le 15 mars, j’ai appris que je devais rentrer chez moi depuis Orán, en Argentine, mais il n’y avait pas de vols sur le moment. Le 21 mars, l’ambassade suisse m’a écrit qu’il y avait un vol et que je devais remplir les formulaires nécessaires. Lundi, on m’a informée que le vol serait plutôt jeudi et qu’on s’occuperait de mon transfert à Bueno Aires. Mercredi 25, J’ai appris que le vol était reporté à lundi. Le lendemain, il était confirmé. J’ai reçu un billet de correspondance de Salta à Buenos Aires pour la veille. Vendredi: confirmation du vol pour Zurich. Mais samedi: le vol de Salta est annulé. L’ambassadeur a tout fait pour que j’arrive à temps à Buenos Aires, en vain. J’avais manqué le vol pour Zurich! Lundi 30 débute bien mais finit de façon chaotique: il y a un bus (trajet de 24 heures!) pour la capitale; l’ambassade m’a obtenu un vol pour Francfort pour le 1er avril et, pour combler mon bonheur, l’ambassadeur suisse m’a invitée à passer la nuit dans sa résidence familiale. Bien que nous partions tôt pour la gare routière de Salta pour m’assurer une place, le bus est parti en retard. Il est arrivé si tard à Buenos Aires que j’ai dû loger dans un hôtel au lieu d’aller chez l’ambassadeur. Le 2 avril, je suis enfin arrivée à la maison, après environ 50 heures de voyage!

Avec les lockdowns progressifs et les vols annulés, il est devenu difficile de ramener nos élèves en échange. Nous, du bureau, avons eu de nombreux contacts avec divers employés d’ambassades qui nous ont aidés spontanément et sans bureaucratie. Deux exemples: Le consul général adjoint à Francfort s’est rendu personnellement à l’aéroport, vêtu d’un gilet rouge pour aller chercher nos élèves. Il leur a donné des sandwichs, leur a remis les billets de train pour Bâle et les a même accompagnés jusqu’ à la bonne voiture. Le consul honoraire d’Autriche au Panama a organisé, en dernière minute, des places sur un vol de l’UE pour les Suisses.

Ma famille d’accueil m’a accompagnée dans une voiture bondée jusqu’à l’aéroport de Tuxtla. L’adieu était terriblement triste. Lorsque j’ai atterri à Mexico, j’ai appris que mon vol de correspondance avait été annulé et qu’il n’y aurait plus de vols, donc j’étais « bloquée » à l’aéroport. Alors, une employée d’AFS m’a ramenée chez elle pendant deux jours. Au début, j’avais espéré retourner à Comitán et j’avais déjà prévenu mes amis, mais ensuite, mes parents inquiets avaient réservé un vol de retour (coûteux) par leurs propres moyens, alors mes plans sont tombés à l’eau. Quand j’ai revu mes parents après 4 jours de voyage, j’ai réalisé que mon aventure au Mexique était définitivement terminée. Heureusement, j’ai rapidement pu reprendre le travail et j’ai pu surmonter ma profonde déception concernant le retour précoce.

Ma tâche consistait à réserver le plus vite possible des vols de rapatriement pour 240 élèves suisses, dispersés à travers le monde. C’est devenu un défi quasi insurmontable avec les Lockdowns progressifs dans certains pays et les annulations quotidiennes de vols. Parfois, des vols déjà réservés ont été annulés, de sorte que nous devions trouver d’autres itinéraires de retour. Cependant, pour réserver un vol, j’avais d’abord besoin de l’accord du bureau AFS à l’étranger (qui devait s’assurer que les élèves arriveraient à l’aéroport à l’heure). Ce qui entrainait des retards et conduisaient les compagnies aériennes à libérer nos sièges réservés entre-temps… Parfois, des parents désespérés achetaient eux-mêmes des vols coûteux, et nos vols déjà payés expiraient. Au bout de deux semaines, la situation est devenue si difficile que je n’ai obtenu des places sur les vols de rapatriement qu’avec l’aide du DFAE.

Les Forster sont une famille AFS de troisième génération qui a vécu plusieurs expériences d‘accueil. La mère nous raconte: Cette année, nous avons accueilli deux filles: Madeline d‘Amérique centrale et Ybing de Chine. Elles n‘avaient pas beaucoup appris l‘allemand avant le confinement; le temps était court et leurs camarades parlaient souvent anglais avec eux. Mais au confinement, tout a changé. D‘une part, c‘était éprouvant d‘être confinés ensemble; n’être qu‘avec la famille d‘accueil et l‘incertitude quant au jour de départ. D‘autre part, d‘énormes progrès ont été fait en allemand et elles ont appris à connaître la vie quotidienne de notre famille: des balades dans la nature, l‘observation des oiseaux, la cuisine suisse, les cours d’allemand AFS et les conversations à la table familiale. Le lien avec notre famille est devenu plus étroit. Un coup de chance.

La première date de départ de Cindy (Yunhan) était le 17.03. Elle était très déçue que tout soit soudainement terminé. Ensemble, nous nous sommes assis sur le canapé, nous nous sommes serrés dans les bras et avons pleuré. Qu’est-ce qui aide dans une telle situation ? – MANGER! Le père d’accueil de Cindy l’a emmenée au magasin pour acheter de la viande. Cuisiner ensemble nous a détendus. Le hotpot chinois était très bon, ce qui a remonté le moral. Le 16 mars, Cindy a fêté ses adieux avec ses amis. Puis le départ a été reporté au 19. Cette date n’étant plus valable, nous nous sommes préparés pour le 25. Le départ du 4 mai n’a pas eu lieu, car il ne s’agissait pas d’un vol direct vers Shanghai. Cindy est toujours chez nous, contente. Elle cuisine parfois un plat chinois et mange le chocolat acheté en mars qu’elle voulait ramener en Chine en souvenir.

Mon école a signalé l‘un des premiers cas suspects d‘infection du coronavirus au Costa Rica. Nous en avons été informés un dimanche; le lundi, pratiquement personne n‘est venu à l‘école. Ma classe ne comptait que quatre élèves. Tout le monde était nerveux et paniqué, surtout les professeurs. L‘un d‘eux a même parlé du fait que „nous allons tous mourir“. Le lendemain, les écoles ont été fermées. Dieu merci. En attendant le départ, j‘ai pu passer deux semaines avec mon grand-père d‘accueil dans une finca isolée dans les montagnes. Lorsque j‘ai enfin pu prendre un vol de retour vers la Suisse, j‘ai été très soulagé.

Je décrirais avec émotion, inspiration et admiration les histoires que les étudiants d‘échange m‘ont racontées au téléphone après leur retour Covid-19. Les jeunes ont beaucoup apprécié ma „consultation téléphonique“, le besoin de parler se faisait sentir. Laisser derrière soi le premier amour de jeunesse, embarquer dans l‘avion sans dire au revoir à ses amis, se séparer de la famille d‘accueil bien-aimée dans les plus brefs délais – un adieu exigeant et inattendu. Mais les AFSers ont fait preuve de force, ils ont apprécié le temps qu‘ils ont eu – y voyant une occasion d‘apprendre que la vie ne se déroule pas toujours comme prévu. J‘ai été touchée par la façon dont ils ont perçu les aspects positifs de l‘abandon précoce du programme. Je suis immensément fière de nos rapatriés cosmopolites, de retour en Suisse avec un sac à dos rempli d‘expériences uniques.